Pour Livio Coletta, qui travaille à l'aéroport de Bâle-Mulhouse, chaque importation d'une œuvre d'art est unique, tout comme l'est chaque œuvre d'art. Environ 10 000 œuvres d'art sont importées en Suisse chaque année par cet aéroport, soit entre 20 et 30 par jour. Livio Coletta est expert en la matière pour des raisons personnelles, car pour lui, l'art «c'est plus qu'une passion, c'est une obsession». Depuis une dizaine d'années, il se consacre donc aussi professionnellement à ce domaine et se charge de la taxation des œuvres d'art. D'un côté, en se livrant à sa passion à titre privé, il acquiert des connaissances sur lesquelles il peut s'appuyer au travail. De l'autre, son métier lui permet de découvrir des artistes dont il n'avait jamais entendu parler. Par exemple, en début de carrière, il a découvert l'art vietnamien contemporain et récemment, il est tombé sur de jeunes artistes japonais.
Qu'entend-on par «art» sur le plan douanier?
Il est bien connu que les opinions divergent sur la notion d'art et que chacun a ses propres préférences. Cependant, des conditions légales doivent être remplies lorsqu'un artiste souhaite importer son œuvre en franchise de redevances: dans ce cas, on distingue les œuvres d'art dépourvues de but utilitaire des articles prenant la forme d'objets utilitaires. Un meuble design coûteux n'est pas considéré comme une œuvre d'art, même si son concepteur se considère comme un artiste. De même, une vidéaste ou une photographe ne profite pas de cette réglementation – et ce n'est qu'un exemple des nombreuses dispositions applicables. En outre, l'importation d'une œuvre d'art pour un musée de droit public est également exemptée de redevances.
Quels sont les défis posés par le dédouanement des œuvres d'art?
Si la valeur des autres biens importés est relativement facile à vérifier, l'évaluation des œuvres d'art présente des difficultés particulières. Les prix de vente sont transparents dans les maisons de vente aux enchères, mais les galeries sont extrêmement discrètes sur ce point. En d'autres termes, il y a parfois une grande différence entre le marché primaire et le marché secondaire. Pour nous, le risque est donc que la valeur fasse l'objet d'une fausse déclaration afin de réduire l'impôt sur les importations. Il est vrai qu'environ 90 % des clients de la douane acquièrent des œuvres d'une valeur inférieure à 5000 francs. Mais si une facture est par exemple allégée intentionnellement ou par erreur de 130 000 francs, cela représente pour l'État une perte de 10 000 francs de recettes de l'impôt sur les importations.
Les exemples sont nombreux: des photographies d'art valant quelques dizaines de milliers de francs sont déclarées comme de simples affiches ou échantillons de marchandises, des effets de déménagement ne remplissent pas les conditions d'importation en franchise de redevances, etc. Malgré le renforcement des contrôles ces dernières années, les galeries émettent encore de fausses factures, tandis que certaines changent même de stratégie et modifient le nom de l'exportateur. Tout est possible! Nous percevons alors les redevances dues a posteriori et infligeons une amende.
La technique de fraude la plus courante consiste à présenter une facture payée en liquide. Il est également fréquent que l'œuvre soit réglée au moyen de plusieurs versements depuis différents comptes, voire depuis différents pays, afin de dissimuler le montant total payé. Un autre problème répandu est que de nombreuses galeries étrangères fournissent des informations insuffisantes. Elles n'indiquent par exemple pas le nom de l'artiste ou le type d'œuvre. Par conséquent, une vérification est souvent le seul moyen de détecter les irrégularités. La vérification n'est pas effectuée de manière purement aléatoire, mais se fonde sur une analyse des risques ciblée et rigoureuse dans laquelle des facteurs comme l'origine, l'indication du contenu, l'expéditeur ou encore l'emballage jouent un rôle.
Comment pouvez-vous estimer le prix réellement payé pour une œuvre d'art?
Ce n'est pas facile, car les informations sont difficiles à obtenir. Pour chaque artiste, il existe un marché primaire et un marché secondaire. Il s'agit d'une équation où tous les paramètres doivent être pris en considération.
Il faut connaître l'importance actuelle de l'artiste, c'est-à-dire sa valeur marchande, mais aussi tenir compte des galeries et des expositions qui présentent ses œuvres, ainsi que du stade de sa carrière. En outre, le procédé de fabrication, la qualité esthétique et l'importance culturelle de l'œuvre ne doivent pas être négligés. La situation générale du marché à court terme joue également un rôle dans la détermination du prix d'achat.
Les banques de données sur Internet ou les informations accessibles au public des grandes maisons de vente aux enchères constituent pour nous un outil de travail important. Nous consultons également des experts externes. Enfin, notre expérience passée avec les expéditeurs et les destinataires joue aussi un rôle.
Autrement dit, pour pouvoir estimer la valeur d'œuvres d'art importées, il faut suivre un marché très dynamique et complexe. Pour Livio Coletta, «il faut constamment avoir le nez dedans. Comme ça, on apprend tout le temps. J'achète, je vends… si on n'est pas intéressé soi-même, c'est difficile.»